Le débat sur les droits d’auteur et les contenus payants est désormais lancé
L’internet est longtemps resté un espace d’expression en marge des lois sur la propriété intellectuelle. Mais l’an 2000 marque un tournant décisif, avec l’ouverture des procès retentissants de MP3 et Napster, sites musicaux traduits en justice par l’industrie du disque. Ces services permettent le téléchargement gratuit de fichiers audio, souvent piratés, sans proposer de solutions pour compenser les auteurs et maisons de disques. Après s’être acquitté de $130 millions en dommages et intérêts, MP3 escompte atteindre son seuil de rentabilité en 2001, grâce à un service payant et aux accords passés avec les maisons de disque.
Le site Napster, quant à lui, voit son avenir fortement compromis suite au verdict rendu la semaine dernière. En octobre dernier, Napster avait pourtant signé un accord surprise avec Bertelsmann pour le développement d’un service payant permettant de rémunérer les ayants droits. Il semble aujourd’hui peu probable que ce système, annoncé pour l’été prochain, obtienne l’appui des autres labels de musique, condition sine qua non de son succès.
Pour sa défense, Napster avait prétendu que son service gratuit stimulait la vente de musique. Il est regrettable que le site soit interdit avant de prouver que ses utilisateurs sont prêts à payer pour son service. On a longtemps prétendu qu’aucun internaute ne paierait pour du contenu, puisqu’il est à peu près certain de trouver l’équivalent gratuitement sur un autre site. Mais les règles du jeu pourraient bien être en train de changer. GoldPass, le service payant de Real Networks proposant aux internautes vidéo clips, jeux et autres contenus multimédia, a attiré 125'000 abonnés en seulement quatre mois. Selon Jupiter, quatre internautes sur dix admettent que le contenu en ligne ne restera pas éternellement gratuit. Un bol d’air frais pour de nombreux portails qui sont toujours à la recherche de sources durables de revenu, le marché de la publicité en ligne étant en pleine perte de vitesse.
Quant aux maisons de disques, elles ont encore fort à faire pour enrayer le piratage en ligne, qui devrait leur coûter quelque deux milliards de dollars par année, selon Forrester. Des milliers d’enregistrements non autorisés sur CD sont en vente sur le site d’enchères eBay. Mais ce dernier semble avoir trouvé une parade juridique. En estimant être un simple forum en ligne, eBay invoque la loi déchargeant les fournisseurs de services internet de toute responsabilité vis-à-vis des informations postées par leurs utilisateurs.
Il est probable que l’affaire Napster n’ait d’autres effets qu’une très médiatisée mise au point sur la législation en matière de droits d’auteur. Ses 57 millions d’utilisateurs se tourneront vraisemblablement vers d’autres services illégaux, comme Gnutella, un système sans intermédiaire central à poursuivre en justice. De nouveaux remèdes doivent donc être trouvés pour lutter contre le piratage. Arme la plus sournoise, le sabotage vise à polluer un service avec des fichiers corrompus ou de mauvaise qualité. Mais des solutions commerciales devraient rapidement voir le jour. En effet, si l’information numérique est amenée à circuler librement et gratuitement, chaque contenu devra payer pour ce privilège, en offrant par exemple un espace publicitaire. Le piratage est souvent le signe d’un énorme marché inexploité.
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