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ARTICLES MARKETING  

  Article paru dans L'HEBDO du 02.10.03
Thérapie de croupe
 
Sloggi remet la compresse, malgré le saccage de ses affiches et les plaintes pour sexisme. Les passants incommodés n’ont qu’à changer de trottoir, prévient Carine Jaggi  Play 
 
 

Elles sont de retour, les rangées de fesses plastifiées de Sloggi. Comme si de rien n’était. Le tollé provoqué ce printemps aurait-il donc échappé à la marque ? Pas du tout. Si le fabriquant de string persiste et signe, c’est d’abord que la campagne rapporte. « En terme de ventes, l’opération est un succès » explique son directeur marketing Peter Triner. La polémique a fait bondir la notoriété de la marque, qui s’offrait là sa première grande campagne d’affichage. L’autre raison, c’est que Sloggi n’a pas vraiment le choix. Comme d’autres marques internationales, elle est gentiment priée de s’aligner sur la campagne conçue à l’échelon européen. 

Nordiques plus culottés

Le concept d’affiche visant à confronter les différents slips Sloggi, vus de dos, est né aux Pays-Bas au milieu des années 90. Là-bas comme dans les pays nordiques, plus personne ne s’émeut des affiches affriolantes de la marque allemande. Il en est différemment de notre pays, où des plaintes ont été déposées pour sexisme et « réduction de la femme à un objet sexuel » auprès de la Commission suisse pour la loyauté. Cet organe composé de représentants des publicitaires, médias et consommateurs est le seul rempart aux dérives sexistes de la publicité puisque rien n’est prévu dans la loi.

Pas de string sans fesse

Verdict de l’autorité de surveillance: Pas de sexisme ni de dévalorisation de la femme qui ne justifie le retrait de la campagne. « Ce n’est pas à nous de juger du bon ou du mauvais goût d’une affiche, explique Urs Donatsch, membre de la commission, nous tenons compte de l’évolution de la société et vérifions avant tout qu’il existe un lien entre l’image et le produit ». Bref une causalité entre string et fesse, CQFD. Même décision en Angleterre, au Luxembourg et en France, où des plaintes similaires ont été déboutées. Seule une à deux campagnes par an sont retirées en Suisse pour sexisme, comme les douteuses blagues de blondes d’un brasseur ou la discutable nudité d’une créature vantant des revêtements pour sols. Les plaignants ne se découragent pas pour autant. « Il est important d’ouvrir à chaque fois le débat, explique Isabelle Darbellay, présidente du bureau romand à l’égalité, nous voulons éviter une escalade sans que plus personne ne se pose de question ». 

Potiches postiches

Consciente du risque présenté par la campagne, l’agence zurichoise Blue Spirit se charge d’édulcorer le matériel publicitaire reçu d’Allemagne. Dans l’affiche actuelle, la position scabreuse des barreaux de l’échelle, entre les jambes des mannequins, a été sagement décalée. « C’est le paradis! » a été jugé moins glissant que le slogan original « Pommes et poires ». L’agence a forcé le trait synthétique des images : peau plastifiée, plastique retouchée. « Nous avons travaillé les photos dans un style « teletubbies » complètement artificiel, explique son directeur Gerry Flückiger, le résultat est tellement virtuel que les femmes n’ont plus la pression de s’y comparer ». Avec ses barbies au pays des teletubbies, l’agence a créé un univers visuel qui cible un public très jeune, faisant réagir les associations féministes qui accusent Sloggi de présenter aux adolescentes des canons de beauté totalement hors normes. L’argument n’est pas retenu non plus par la commission de surveillance publicitaire, qui lève les plaintes contre Sloggi quelques semaines avant sa campagne automnale. Menacée d’interdiction par la ville de Bâle, la marque avait prévu d’y couvrir ses affiches du texte "Chers Bâlois, pour voir l'affiche en entier, allez donc à Zürich". Les autorités ont finalement fait train arrière. Même le fédéralisme suisse n’aura pas su créer d’exception culturelle à cette vague de fesses venues du froid.


Carine Jaggi pour L'Hebdo et la TSR

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