Thérapie de croupe
Sloggi remet la
compresse, malgré le saccage de ses affiches et les plaintes
pour sexisme. Les passants incommodés n’ont qu’à changer
de trottoir, prévient Carine Jaggi Play
Elles sont de retour, les
rangées de fesses plastifiées de Sloggi. Comme si de rien
n’était. Le tollé provoqué ce printemps aurait-il donc échappé
à la marque ? Pas du tout. Si le fabriquant de string
persiste et signe, c’est d’abord que la campagne rapporte.
« En terme de ventes, l’opération est un succès »
explique son directeur marketing Peter Triner. La polémique a
fait bondir la notoriété de la marque, qui s’offrait là
sa première grande campagne d’affichage. L’autre raison,
c’est que Sloggi n’a pas vraiment le choix. Comme
d’autres marques internationales, elle est gentiment priée
de s’aligner sur la campagne conçue à l’échelon européen.
Nordiques plus culottés
Le concept
d’affiche visant à confronter les différents slips Sloggi,
vus de dos, est né aux Pays-Bas au milieu des années 90. Là-bas
comme dans les pays nordiques, plus personne ne s’émeut des
affiches affriolantes de la marque allemande. Il en est différemment
de notre pays, où des plaintes ont été déposées pour
sexisme et « réduction de la femme à un objet sexuel »
auprès de la Commission suisse pour la loyauté. Cet organe
composé de représentants des publicitaires, médias et
consommateurs est le seul rempart aux dérives sexistes de la
publicité puisque rien n’est prévu dans la loi.
Pas de string sans fesse
Verdict de l’autorité de surveillance: Pas de sexisme
ni de dévalorisation de la femme qui ne justifie le retrait
de la campagne. « Ce n’est pas à nous de juger du bon
ou du mauvais goût d’une affiche, explique Urs Donatsch,
membre de la commission, nous tenons compte de l’évolution
de la société et vérifions avant tout qu’il existe un
lien entre l’image et le produit ». Bref une causalité
entre string et fesse, CQFD. Même décision en Angleterre, au
Luxembourg et en France, où des plaintes similaires ont été
déboutées. Seule une à deux campagnes par an sont retirées
en Suisse pour sexisme, comme les douteuses blagues de blondes
d’un brasseur ou la discutable nudité d’une créature
vantant des revêtements pour sols. Les plaignants ne se découragent
pas pour autant. « Il est important d’ouvrir à chaque
fois le débat, explique Isabelle Darbellay, présidente du
bureau romand à l’égalité, nous voulons éviter une
escalade sans que plus personne ne se pose de question ».
Potiches postiches
Consciente du risque présenté par la campagne, l’agence
zurichoise Blue Spirit se charge d’édulcorer le matériel
publicitaire reçu d’Allemagne. Dans l’affiche actuelle,
la position scabreuse des barreaux de l’échelle, entre les
jambes des mannequins, a été sagement décalée. « C’est
le paradis! » a été jugé moins glissant que le slogan
original « Pommes et poires ». L’agence a forcé
le trait synthétique des images : peau plastifiée,
plastique retouchée. « Nous avons travaillé les photos
dans un style « teletubbies » complètement
artificiel, explique son directeur Gerry Flückiger, le résultat
est tellement virtuel que les femmes n’ont plus la pression
de s’y comparer ». Avec ses barbies au pays des
teletubbies, l’agence a créé un univers visuel qui cible
un public très jeune, faisant réagir les associations féministes
qui accusent Sloggi de présenter aux adolescentes des canons
de beauté totalement hors normes. L’argument n’est pas
retenu non plus par la commission de surveillance
publicitaire, qui lève les plaintes contre Sloggi quelques
semaines avant sa campagne automnale. Menacée
d’interdiction par la ville de Bâle, la marque avait prévu
d’y couvrir ses affiches du texte "Chers Bâlois, pour
voir l'affiche en entier, allez donc à Zürich". Les
autorités ont finalement fait train arrière. Même le fédéralisme
suisse n’aura pas su créer d’exception culturelle à
cette vague de fesses venues du froid.
Carine Jaggi pour L'Hebdo
et la TSR
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