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ARTICLES MARKETING  

  Reportage TSR Nouvo du 12.01.05
La pub qui rend gros
 
La pub fabrique-t-elle des enfants obèses ? Partout en Europe, la législation se durcit pour mieux contrôler la publicité alimentaire faite aux enfants. Mascottes amicales, égéries cartoonées, ton sucré et produits dérivés: un marketing parfaitement rôdé et redoutablement efficace.  Play 
 
 

«Il y a aujourd'hui suffisamment de preuves qui indiquent que la publicité a une influence directe sur ce que mangent les enfants» déclare Dr Colin Tukuitonga, responsable de la prévention des maladies chroniques à l'OMS. L'organisation appelle ses états membres à se pencher sur la publicité alimentaire faite aux enfants, se basant sur des études comme celle de la Food Standards Agency en Angleterre, qui tient la pub responsable de l'obésité galopante des jeunes. Ses conclusions : La publicité a un effet sur la consommation de nourriture, à la fois au niveau de la marque et de la catégorie de produit. Traduction : un spot pour une marque de chocolat augmente la consommation de cette marque, mais aussi la consommation de chocolat en général.

Ce n'est pas la pub mais la télé qui rend gros, répondent en cœur les publicitaires. Bien essayé, mais selon des chercheurs américains, les heures inactives passées devant le téléviseur rendraient plus gros que celles passées devant un jeu vidéo. Une différence de poids qui serait expliquée par la publicité.

Emotion, émotion

Il faut dire que l'industrie alimentaire dispose d'une armada de techniques marketing redoutablement efficaces et parfaitement rôdées. Avant 12 ans, l'enfant n'a pas encore développé son sens critique. C'est l'affectif qui domine la prise de décision. Pour pousser à l'achat, il suffit de déclencher l'émotion avec une mascotte ou un personnage de dessin animé. La mascotte joue un rôle clé, puisqu'elle doit aussi permettre à l'enfant qui ne sait pas lire de reconnaître le paquet dans le magasin.

L'enfant achète un produit pour l'émotion et non l'usage. En marketing enfant, tout est donc basé sur le plaisir et le jeu. Les arguments tels que le lait et les vitamines sont appris aux enfants uniquement pour qu'ils puissent convaincre leurs parents d'acheter le produit.

Brouiller les pistes

A la télévision, les marques exploitent à fond le créneau du dessin animé. Objectif : brouiller les pistes entre la publicité et le programme télé. Pour l'enfant, le héros de dessin animé est une personne de confiance. Il peut donc écouter ses conseils. D'ailleurs, jusqu'à 6 ans, l'enfant est incapable faire la différence entre un spot publicitaire et une émission. Jusqu'à 8 ans, il ne comprend pas qu'on essaie de lui vendre un produit et que la publicité n'est pas toujours vraie. «L'adulte repère tout de suite les registres auxquels se réfèrent des images d'actualité, de fiction ou de publicité. L'enfant, lui, reçoit toutes les images de la même manière, ce qui fait qu'un enfant est particulièrement sensible à confondre un message éducatif et un message publicitaire, explique Serge Tisseron, psychanalyste et auteur de »Enfants sous influence".

Manger n'est pas jouer

Le jouet-cadeau reste le grand classique du marketing alimentaire. Il exploite le péché mignon des touts petits : les collections. Le coup suprême consiste à créer des figurines en s'associant à des héros de télévision ou de cinéma. La technique est archi-connue : l'enfant veut absolument posséder des choses qui lui rappellent son émotion devant l'écran. Les marques doivent impérativement suivre l'actualité enfantine, comme les sorties cinéma des événements comme Halloween. La technique du joujou est si efficace qu'elle finit par inquiéter. En 2002, la Finlande a interdit une campagne pour le Happy Meal de McDonald's, la jugeant déloyale car elle faisait des jouets le message principal du spot.

Sous haute surveillance

Partout en Europe, la législation se durcit pour mieux contrôler la publicité faite aux enfants. En novembre dernier, le ministre britannique de la santé a proposé d'interdire les spots TV pour les aliments trop riches. En Autriche et au Luxembourg, la publicité est interdite avant et après les programmes pour enfants. L'utilisation de personnages de télévision est interdite en Angleterre, en Irlande, au Canada et en Finlande. L'Italie a de son côté banni l'emploi des héros de dessins animés avant et après les émissions dans lesquelles ils sont diffusés. Quant à la France, elle interdit aux publicitaires de montrer des enfants qui se goinfrent ou grignotent entre les repas. Suédois, Norvégiens et Québécois ont tranché net : pas de publicité télévisée destinée aux enfants. Côté suisse, la publicité doit être séparée des programmes et éviter d'exploiter la crédulité des enfants. Pas de plainte, pas de projet de loi. Au pays du chocolat, on ne dérange pas les géants de la calorie. 

Carine Jaggi pour la TSR


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