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  Reportage TSR Nouvo du 04.12.04
Benetton baisse le ton
 
Une campagne sage pour sauver les grands singes. Après la récup choc, Benetton se rachète une conduite. Reportage au coeur du centre de recherche publicitaire de Benetton et rencontre avec le gentil photographe qui a remplacé Toscani.  Play 
 
 

Ici on découpe de la feutrine, là on discute avec un ordinateur pour trouver «une nouvelle interaction entre la musique et le design». Au sous-sol, le Sénégalais Papis «dit bonjour à ses mains» sur des percussions avant de poursuivre l'enregistrement de son CD. Craig le designer américain peaufine la sélection de rayons-X qui servent de toile de fond à sa campagne pour la sécurité routière «présentée au public dans deux mois par le président Chirac». Bienvenue à la Fabrica, centre de recherche publicitaire de Benetton.

Designers, photographes, musiciens, écrivains, artistes de tout poil. Ils sont chaque année 70 étudiants venus du monde entier. Pas de cours, pas de tâche précise, une seule mission: réfléchir et explorer. Tout est payé par la marque italienne. Luciano Benetton a toujours snobé les agences de pub et préféré créer cet étrange labo pubeux en 1994. «Luciano a toujours insisté pour que la communication naisse dans le coeur de l'entreprise» explique Paolo Landi, directeur de la publicité Benetton. C'est ici à la Fabrica que naissent toutes les pubs de la marque. Ici que Nouvo a tenté de comprendre pourquoi la marque était passée de la récup choc à la gentille bonne cause. Bref, du sida et des sales guerres à la sauvegarde des grands singes.

«Ce n'est plus le temps des scandales» explique Paolo Landi. Les attentats du 11 septembre ont marqué un tournant: «c'est difficile d'être choqué par une publicité aujourd'hui». En 2001, la planète Benetton est aussi secouée par le départ – volontaire précise la direction – de son enfant terrible, le photographe Oliviero Toscani, après la très controversée campagne sur les couloirs de la mort. Peut-être la campagne de trop, celle qui traîne Benetton devant la justice.

Changement de ton. Toscani est remplacé par un jeune photographe anglais de 27 ans, James Mollison, un pur produit de la Fabrica. «Ce n'est pas Benetton qui m'a demandé de calmer le jeu, précise-t-il, mon but a toujours été de faire des images qui font réfléchir plutôt que de choquer. Les tactiques choc d'Oliviero étaient parfaites dans les années 90, mais elles ont fini par lasser». Avec James Mollison, plus question de choquer, mais la marque a trouvé un nouveau filon: le co-branding. Le logo Benetton est associé pour la bonne cause à des partenaires irréprochables comme l'ONU, la FAO, le HCNUR, SOS Racisme.

Des campagnes sobres qui parlent de la faim, de l'humanitaire, de la sauvegarde des gorilles. Elles sont créées, financées et diffusées par la marque italienne qui y colle au passage son logo. Pour l'ONU, c'est de la pub gratuite bienvenue. Pour Benetton, c'est une façon de se racheter une conduite. «On nous a longtemps accusés d'exploiter la douleur pour vendre des pullovers, affirme Paolo Landi, ce sont maintenant les autres qui exploitent la grande puissance de la marque Benetton pour parler de problèmes importants». Benetton récupéré. Mais la marque doit aussi faire un trait sur la provocation. «Quand vous travaillez avec les Nations Unies, c'est assez politiquement correct, explique James Mollison, vous devez arriver à une solution qui convient à tout le monde».

Au départ, la campagne sur les grands singes est une réalisation personnelle de James Mollison alors qu'il est étudiant à la Fabrica. Le photographe s'amuse à tirer le portrait de gorilles menacés de disparition, en clin d'oeil aux visages qui s'affichent sur les pubs Benetton. Le projet devient une campagne de pub mondiale signée Benetton, mais aussi un livre et une très sérieuse exposition au musée d'histoire naturelle de Londres. C'est le credo des Benetton depuis toujours: ne jamais s'abaisser à faire de la «simple» pub






Carine Jaggi pour la TSR

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