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Retour au menu Article paru dans BILAN de janvier 2003
Les bonnes surprises du PSE
 
Les bonnes surprises du PSE
 
 
De l’évaporation des dotcoms aux premiers millionnaires, retour sur le destin des 34 sociétés installées au PSE en été 2000. Quand les start-ups font de la résistance
 
Par Carine Jaggi

En poussant la porte du Parc Scientifique d’Ecublens, on ne trouve plus de Bill Gates en devenir préparant son entrée en bourse. « Il a bien fallu réaliser qu’on ne serait pas tous millionnaires », lâche un des 350 occupants du parc, dont les stock-options ne se sont pas transformées en or. Après une période de désillusion, le PSE a aujourd’hui passé le cap. Reste le poids du travail accompli, une détermination à toute épreuve et une effervescence intacte.

Malgré le ralentissement conjoncturel et l’explosion de la bulle spéculative, les start-ups du PSE affichent une résistance presque insolente. Elles étaient 34 en été 2000 pour un total de 203 emplois. Parmi celles-ci, 28 sont encore en activité et emploient plus de 300 personnes. « L’éclatement de la bulle spéculative a été amortie car les sociétés du parc scientifique ont une propriété intellectuelle réelle », souligne Jacques Laurent, directeur du PSE.
 
Les start-flops

En 2000, les pépinières de jeunes pousses sont en vogue. Craignant l’arrivée de projets concurrents, le PSE construit dans l’urgence un troisième bâtiment, qui affiche aussitôt complet. « Tout le monde était prêt à y croire, financiers et clients y compris », se souvient Jean-Luc Mossier, alors directeur du PSE.

R&ED fait partie de ces dotcoms au destin éphémère, qui ont envahi le parc en pleine euphorie. Pour lancer son portail internet destiné aux opticiens, Jean-Christophe Leroy lève 2 millions de francs de capital-risque, engage une trentaine de personnes, avant d’être lâché par sa banque et ses investisseurs et de déposer le bilan. « Cela m’a permis d’accumuler 15 ans d’expérience en 5 ans », explique-t-il. L’ardoise d’un demi million de francs héritée dans l’aventure est aujourd’hui effacée. A 29 ans, Jean-Christophe Leroy a créé une nouvelle société informatique employant 7 personnes.

Autre faillite de taille, celle de Singularis, dont les investisseurs ont négocié sans succès un rachat de la dernière chance. « La société est arrivée trop tôt sur le marché de la télévision interactive et a eu une consommation de trésorerie trop rapide, analyse Olivier Wellmann, un ancien de Singularis. En tant que Senior Product Manager chez OpenTV à Paris, il négocie aujourd’hui avec des sociétés qui développent des produits similaires.

« Plutôt que de lever du capital-risque, nous aurions dû privilégier un rachat ou un partenariat avec un grand groupe industriel », estime le fondateur de 2C3D Charles Baur, qui est à l’origine du système de guidage pour opérations chirurgicales exploité par la société. Malgré la liquidation de 2C3D, cette technologie prometteuse continue d’être développée au laboratoire de systèmes robotiques de l’EPFL, avec des finalisations diverses qui pourraient déboucher sur la création de nouvelles start-ups.

Sur les 79 entreprises issues du PSE depuis sa création, six sont tombées en faillite et neuf ont cessé leurs activités. Par ailleurs, quinze sociétés sont considérées comme des succès, parce qu’elles ont atteint leur cinquième année avec plus de 15 employés, levé plus de 10 millions de francs de capital-risque ou été revendues avec profit.

Les start-tops

On assiste aujourd’hui à la mise en marché de produits qui n’étaient deux ans plus tôt que des innovations brevetées assorties d’un business plan. Endoart et Smartdata démarrent tous deux la commercialisation de leurs produits en 2003, des implants médicaux pour le premier, et pour le second un terminal portable modulaire distribué en partenariat avec un grand groupe industriel. Belair commence l’an prochain ses activités de biodépollution sur plusieurs sites industriels romands. Le logiciel de gestion de portefeuilles d’Oqibo.com est déjà commercialisé auprès des banques et gérants de fortune. Shockfish a couvert une vingtaine de grandes manifestations avec son système permettant aux participants de communiquer entre eux. Quant à Synova, l’entreprise de 26 personnes active dans l’usinage de matériaux par laser vient de s’installer dans sa nouvelle usine à deux pas de la pépinière d’Ecublens.

Comme tout parc scientifique qui se respecte, la courte vie du PSE est aussi jalonnée de success stories bien sonnantes, qui alimentent la mythologie du millionnaire en « Birkenstocks ». Ainsi Xoliox, une start-up active dans le domaine de la nanotechnologie, a été rachetée pour 4 millions d’Euros, dont une partie en actions, par la société irlandaise Ntera. Ou encore Cytion, une biotech qui a été vendue pour 26 millions de francs à la firme américaine Molecular Devices, un peu plus d’un an après sa création. Une très belle affaire pour toutes les parties prenantes : capital-risqueurs, actionnaires privés, fondateurs, employés et même l’EPFL, qui a eu la bonne idée de céder ses droits de licence contre une prise de participation. La recette de Cytion ? « Une fenêtre d’opportunité parfaite. Les pharmas avaient besoin d’une nouvelle technologie », raconte son ancien CEO Jean-Pierre Rosat, qui a su forcer les bonnes portes « au bluff » pour promouvoir l’invention de son associé Christian Schmidt, « un scientifique de génie ».

Visiowave, qui commercialise des applications vidéo sur réseau informatique dans le domaine de la sécurité et des médias, quittait le PSE il y a tout juste deux ans. Avec ses 62 employés, la société réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires annuel de plus de 10 millions de francs, en progression de 300%.

Les entrepreneurs en série

Critère de succès numéro un des start-ups, la présence à bord de managers qui ont une expérience industrielle ou de création d’entreprise. En Suisse, ce genre de pointure ne foule pas volontiers le linoléum des parcs scientifiques. Mais avec l’avènement des premiers entrepreneurs en série made in EPFL, il y a du changement dans l’air. Ronald Vuillemin, docteur en microtechnique et ancien CEO de Xitact, s’est installé au Technopark de Zurich pour créer Novodex, une spin-off de 9 personnes qui exploite la même technologie que Xitact dans le domaine des jeux vidéo. « Mon capital-risque, c’est le savoir-faire technique et managérial que j’ai acquis en démarrant ma première start-up », explique ce dynamique CEO de 32 ans. Jean-Pierre Rosat, docteur en biochimie et cofondateur de Cytion, est aujourd’hui à la tête d’une nouvelle biotech, Apoxis, qui travaille sur le mécanisme de suicide cellulaire. « Dans une grande entreprise, j’atteint mon niveau d’incompétence » ironise cet entrepreneur inspiré et fonceur, qui en est à sa cinquième start-up en 6 ans. Quant à François Sugnaux, docteur en chimie et cofondateur de Xoliox, il planche sur des textiles intelligents dans le cadre de sa troisième start-up. « C’est à chaque fois une prise de risque éprouvante, explique-t-il, mais compensée par le plaisir de travailler sur des innovations technologiques ». Ces serial entrepreneurs combinent tous un solide bagage scientifique, une expérience industrielle et un parcours sans faute d’éleveur de start-ups.

Plus de 500 emplois créés

Difficile d’attribuer au PSE le succès ou l’échec de ses start-ups, puisque le parc offre avant tout des services immobiliers et une assistance au démarrage. La valeur d’un incubateur ne se mesure d’ailleurs pas à ses millionnaires mais aux retombées pour le contribuable qui finance la formation et la recherche. En terme de création d’emplois, il faut noter que 550 personnes travaillent aujourd’hui dans des sociétés issues de la pépinière d’Ecublens.

Certes le PSE ne détient pas le monopole des projets innovants. Ses loyers élevés dissuadent certaines start-ups et on lui reproche de « couver » trop longtemps ses rejetons. Pourtant, avec ses 55 entreprises, son incubateur et ses prestataires de services, le parc a atteint aujourd’hui une taille critique qui le positionne comme un véritable carrefour de l’innovation en Suisse romande. Une position renforcée par un nouveau locataire de marque, Create, la chaire d’entrepreneurship de l’EPFL qui est une véritable ruche à entrepreneurs.

L’esprit d’entreprise vient aux chercheurs

Le bureau de transfert de technologie de l’EPFL traite une soixantaine de nouvelles inventions par année. C’est trois fois plus qu’il y a 5 ans. « Avant de publier, les chercheurs évaluent si l’invention est protégeable, ce qui un phénomène nouveau », commente son responsable Gabriel Clerc. L’esprit d’entreprise existe bel et bien, si l’on en juge aux 17 start-ups qui se sont installées au PSE en 2002, contre 22 l’année précédente. Les nouvelles stars du lieu s’appellent Brightrivers, 34 employés et 4 millions de chiffre d’affaires annuel, SilentOil et ses 22 collaborateurs, ou encore BeamExpress et son système révolutionnaire de transmission optique de données.

Arrivé en Suisse à la fin des années 90, le vent de la nouvelle économie aura soufflé suffisamment fort pour amener des changements durables au niveau des mécanismes de création d’entreprises innovantes. Prise de conscience au niveau politique, mise en place de programmes d’encadrement et de financement de start-ups tels que CTI et FIT, professionnalisation du capital-risque et du transfert de technologie, la bulle spéculative a ouvert aux chercheurs-entrepreneurs des opportunités qui n’existaient assurément pas il y a 10 ans. « Cette période euphorique laisse derrière elle une infrastructure et de nouveaux outils avec lesquels on peut aujourd’hui construire », note Jordi Montserrat, responsable du coaching au PSE. Une véritable machine à innover, ralentie par la basse conjoncture et le manque de financement, mais dont on sous-estime manifestement les retombées futures.


Parcs scientifiques : Les clés pour l’avenir 

1) Attirer des CEO expérimentés 

Le management reste le problème numéro un des sociétés innovantes. « La meilleure valeur ajoutée que le PSE pourrait amener aux start-ups, c’est d’attirer des entrepreneurs expérimentés », soutient Damien Tappy, ancien coach du PSE devenu capital-risqueur. « Il existe un vrai problème de culture en Suisse. Faire venir des CEO de l’étranger permettrait de gagner du temps. Il suffit de quelques succès pour créer une émulation ». 

2) Améliorer le transfert de technologie 

« Après deux ans, les universités américaines perdent leur droit sur leurs inventions, ce qui les incite à favoriser la création de start-ups », explique Xavier Comtesse, directeur adjoint de la Fondation Avenir Suisse. « En Suisse, les hautes écoles devraient avoir les moyens de faire plus de prospection dans les laboratoires. N’oublions pas non plus qui crée de l’innovation. Il manque 2500 postdoctorants en Suisse. Arrêtons d’exporter nos chercheurs ». 

3) Favoriser les idées provenant du marché 

« Chercher un marché pour une technologie peut s’avérer long et risqué. Il faut également faire venir des gens de l’industrie avec des idées de marché ». Jean-Luc Mossier a quitté son poste de directeur du PSE pour fonder SilentOil avec Fabio Cesa et son idée de télégestion des citernes à mazout. « Le marché n’a jamais été remis en question et les solutions technologiques ont été rapidement développées en collaboration avec l’EPFL ».


Culture de start-ups au Biopôle 

Salle blanche, laboratoires et bureaux, le Biopôle d’Epalinges est entièrement équipé pour accueillir les start-ups du secteur biomédical issues du CHUV ou de l’UNIL. Une infrastructure high-tech, financée par l’Etat de Vaud et les communes de Lausanne et d’Epalinges. Créé en 2000, le bio-incubateur affiche déjà complet, avec sept start-ups et une soixantaine d’occupants. Ses 8 ha de terrains sont prêts à accueillir d’autres biotech. « Il est rassurant de constater que le modèle que nous avons mis en place est utilisé avec succès outre-Atlantique », souligne Philippe Sordet, chef du Service vaudois de l'économie, de retour des Etats-Unis. Tandis que les Etats américains investissent massivement dans les bio-incubateurs, le Royaume-Uni préfère dégrever les investissements privés dans les biotech en démarrage. Quel modèle privilégier ? « C’est un faux débat, estime l’entrepreneur Jesús Martin-Garcia, l’important est de trouver la combinaison gagnante pour que les biotech bénéficient des infrastructures et fonds nécessaires au démarrage de leurs activités avant que le capital-risque puisse prendre le relais. ». Un projet de bio-incubateur est également en gestation à Genève.

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