Image de marque, visibilité et présence physique font aussi recette sur le net
Les start-ups internet ne viendront donc pas à bout de la vieille économie. Une observation qui, un an plus tôt, ne faisait pourtant pas figure d'évidence, à en juger les performances du NASDAQ. La capitalisation boursière d'Amazon.com, effigie de la nouvelle économie, éclipsait encore triomphalement celle du premier libraire américain Barnes & Noble. L'an 2000 aura donc remis quelques pendules à l'heure. Même malhabiles ou retardataires, les sociétés pré-internet possèdent des atouts non négligeables : notoriété, visibilité et clientèle existante.
D'abord freinée par des systèmes informatiques inadaptés, un manque de personnel qualifié ou des canaux de distribution à ménager, la vieille économie est en train de gagner du terrain sur les dotcoms. Alors que ces dernières subissent les contre-performances de la bourse, les sociétés traditionnelles s'appuient sur leur clientèle existante, usent de leur influence sur les fournisseurs et distributeurs, exploitent leur notoriété et leur visibilité. Pancartes, concours, sacs, tickets de caisse : les commerçants américains ne manquent pas une occasion d'inviter leurs clients sur leur site internet. Le libraire Borders placarde ses magasins d'affichettes. La chaîne de vêtement Gap a équipé certaines boutiques de postes internet en libre service. Aux caisses de Kmart, on a distribué plus de 15 millions de CD-Roms offrant un accès gratuit à internet.
La vieille économie frileuse risque bien d'être avantagée par son retard. Avant de se lancer, elle se permet de tirer les leçons du passé, notamment qu'il vaut mieux fusionner ses opérations traditionnelles et online, à l'image de Charles Schwab, plutôt que d'engloutir des millions dans de nouvelles marques internet, comme Disney avec Go et Bank One avec Wingspanbank. En outre, le spectre de la cannibalisation tend à s'estomper, comme l'indique la chaîne Staples, qui prétend que 70% des consommateurs de Staples.com ne sont pas des clients de ses magasins.
En cette fin d'année, l'internet s'ouvre à une nouvelle dimension, qui reflète le comportement d'achat hybride des consommateurs. En effet, selon NRF, 34% des consommateurs américains ont recherché ou acheté un produit en magasin vu sur internet et 27% ont recherché ou acheté un produit online vu en magasin.
De leur côté, les dotcoms cherchent des points de contact physique avec les consommateurs. Le portail E*Trade a récemment ouvert un magasin pilote nouvelle formule qui offre un accès à ses services financiers online et une assistance de conseillers en chair et en os. Toysrus.com et Amazon.com vont désormais exploiter un magasin online de jouets en commun, donnant la possibilité aux clients de retourner les produits achetés dans n'importe quel magasin de la chaîne de jouets. Toys " R " Us a donc décidé de sous-traiter ses opérations online – totalement submergées Noël passé – pour se concentrer sur les relations avec les fournisseurs, la sélection des jouets et le merchandising. Amazon gèrera le site, le service client et les commandes, tout en bénéficiant de nouvelles dépendances matérielles.
Les rachats et partenariats entre nouvelle et vieille économie devraient se multiplier ces prochains mois, pour aboutir à des offres multi-canaux exploitant de nouvelles synergies. Magasins, catalogues et sites internet seront de plus en plus intégrés, de telle manière qu'un consommateur pourra s'informer, commander et retourner un produit quel que soit le canal.
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